A la poursuite du canal entre Champagne et Bourgogne

En VTT et en Péniche

En juin nous avions déjà passé quelques journées à pédaler le long des rives de ce canal aussi appelé canal enchanteur. En août il nous est possible de repartir quelques jours, la météo encore incertaine ce week end devrait s'arranger les jours suivants. C'est parti, on commence à connaître la route qui nous y conduit.

En juin nous nous étions arrêtés à Rolampont (52), c'est de là que nous allons poursuivre notre périple vers le Sud. Cet après midi nous ne ferons pas beaucop de km, seulement Rolampont Jorquenay A/R

Jour 1

A l'écart du village de Rolampont un vrai pont romain enjambe la Marne.

Il est interdit à toute ciculation car les pierres de voûte s'effondrent. Sa réparation est programmée.

Mon mari (qui a du sang italien dans les veines) semble s'attendre à voir surgir une cohorte de légionnaires à l'orée du bois.

Mon ombre m'accompagne sur le chemin de halage

Peu avant Jorquenay, la piste se fait étroite

Ici dans très peu d'espace on a construit  : canal, voie ferrée et route nationale.

Ce train qui emprunte la ligne Paris-Bâle, on le voit passer derrière chez nous tous les matins, une bonne heure plus tôt qu'aujourd'hui, c'est tout. Cela nous rappelle que nous sommes toujours dans notre région, la Champagne Ardenne mais c'est tellement différent ici qu'on se croirait à mille lieues de chez nous.

Le petit village de Jorquenay avec son église perchée

Le pont tournant plus que centenaire a été déposé et ne sera pas rénové, ni remonté, ni remplacé au grand dam des plaisanciers et mariniers.

Un village où fleurs riment avec poésie

La journée décline et nous avons trouvé un petit endroit sympa pour passer la nuit.

Jour 2

En ce deuxième jour la brume marie  ses voiles diaphanes aux eaux du canal.

Alors que nous prenons notre petit déjeuner, une péniche de travail arrive dans l'écluse. C'est bien la première fois que j'en vois une sur ce canal. Nous sommes plus habitués aux plaisanciers.

Quand elle est dans l'écluse, elle est plus impressionnante encore, il ne reste pas grand chose de chaque côté (7 cm) et j'ai pu lire sur son flanc qu'elle fait plus de 39 m de long, soit plus de 5 fois la longueur du camping car !

Elle est suivie de près par une autre péniche ; ben ça alors deux péniches de travail le même jour, c'est du jamais vu pour nous.

Les péniches sont parties et tout comme elles, on met "les voiles" pour aller garer le camping car au port de Langres d'où nous reprenons notre progression à VTT. Le soleil s'est levé et il fait beau. Pas grand chose à voir sur cette petite portion entre Langres et l'écluse n°1 du versant Saône si ce n'est à notre gauche les contreforts du barrage du lac de la Liez.

On arrive en vue de ...

Primée, cette halte est très fleurie et c'est un petit havre de paix. Je félicite la propriétaire du lieux qui est présente pour son engagement.

On flâne un peu quand on voit arriver...l'Hendaye

Alors ? Impressionnante non ?

J'engage la conversation avec son propriétaire et lui demande s'il nous prendrait comme passagers pour traverser le tunnel de Balesmes. Un tunnel long de 5 km que nous ne pourrons franchir en VTT car il est fermé à toute circulation autre que celle des bateaux. Et ça m'embête que ces 5 km manquent dans mon road book.

Le marinier refuse ma demande pour raisons de sécurité, ce que je comprends fort bien.

Nous remontons sur nos VTT et roulons en direction de  l'entrée du tunnel. Les fortes pluies des dernièrs jours ont laissé de grandes mares d'eau qui nous interdisent toute progression et on rebrousse chemin. Bientôt on s'assoit par terre bien décidés à regarder passer la péniche et à la voir entrer dans le tunnel.

C'est alors que la marinière vient à l'avant de la péniche et nous helle : "Voulez-vous toujours embarquer ?" On se regarde absourdis mais la décision est vite prise "Oui oui bien sûr, avec plaisir". Nous nous avançons sur un ponton et la péniche accoste au plus près pour nous charger, nous et nos inséparables vélos.

Ici débute une belle aventure humaine.

J'ai beaucoup lu dans mon enfance et je me souviens du roman de A. Daudet "La Belle Nivernaise" qui narre la vie d'une famille du XIX ème siècle sur une péniche entre Paris et Clamecy, la vie y est rude, ça m'avait marqué. D'autant que dans la même période mais à la TV cette fois, il y avait le feuilleton "L'homme du Picardie" (avec Christian Barbier dans le rôle du patron). Toujours une histoire de mariniers,  plus contemporraine mais où les conditions de vie n'étaient pas plus faciles. Bref tout ça m'avait toujours donné envie de naviguer un tant soit peu sur une vraie péniche de travail et je n'en n'avais jamais eu l'occasion. Et voilà que ça va se faire, je ne suis plus qu'à un grand pas de mon rêve. Pourvu que je le fasse  sans encombre le pas pour enjamber le bord, l'eau du canal ne me tente pas du tout.

Ca y est on a embarqué  et on regarde sagement Serge conduire son bateau bourré d'éléctronique même si lui aimait bien naviguer à l'ancienne. Son épouse et lui ont sensiblement notre âge alors le courant passe vite et bien et puis Serge a des tonnes de blagues en stock.

Coincés dans la cabine de pilotage nous essayons de nous faire le plus petits possible.

On apprend plein de choses sur la navigation, les canaux, les écluses, les moteurs, la vie des mariniers, éloge de la patience et de la lenteur. Les chiffres défilent plus vite que les kms car un engin pareil ne "roule" pas bien vite.

L'entrée du tunnel est en vue. J'ai un peu d'appréhension.

Bief du partage des eaux entre Marne et Saône

Une fois dans le tunnel je demande combien de temps on va mettre à le traverser ? Réponse du pilote : 2 h 1/2 !

Hein !  Je suis claustro, au secours, maman, je veux descendre, c'est où la sortie (j'exagère juste un peu) ? Un peu de sang forid tout de même, je n'avoue que la claustrophobie et Serge me dit qu'il n'y a pas de problème puisque c'est éclairé (depuis peu), qu'il y a des issues de secours, des systèmes d'alarme, des extracteurs, des ventilos  et que si j'ai encore peur il va me mettre tous ses projecteurs en branle. Il fait un petit essai histoire de me convaincre, c'est bon, on se croirait en boîte de nuit. Il éteint ses spots et tout va bien. Comme il est plus que l'heure de déjeuner Raymonde nous propose un en cas, que nous refusons tout d'abord par politesse, mais qu'il fait bon reprendre quelques forces dans la cuisine du marinier en contre bas de la cabine de pilotage où tout est immuable comme dans le roman, bois cirés, rideaux de dentelle et souvenirs. Nous vivons là un moment rare et précieux et en papotant avec Raymonde le temps passe vite. Il ne faudrait tout de même pas fausser compagnie à Serge qui lui a mangé sur le pouce en gardant les yeux rivés sur l'avant de son bateau.

La péniche suivante "La Nérée", (la bleue sur mes photos) qui navigue de concert avec celle-ci s'approche un peu trop près et déclenche les alarmes, il doit y avoir obligatirement 1 km entre chaque bateau. Un petit rappel à l'ordre à la radio et tout rentre dans l'ordre.

On apreçoit le bout du tunnel

Sortie

On arrive à l'écluse de Heuilley Cotton où nous pensons débarquer mais nos hôtes veulent encore nous faire vivre l'expérience du passage dans une  haute écluse.

Ce sera la suivante, une écluse de 5 m. Sur ce versant qui descend vers la Saône, elles sont huit à se succéder sur 4 km, il faut bien descendre la colline. Mais nous on va devoir la remonter !

On reprend pied à terre en remerciant chaleureusement Serge et Raymonde pour cette belle tranche de vie, on promet d'aller les retrouver ce soir sur leur lieu de bivouac pour prolonger la conversation mais il nous faut maintenant revenir au port de Langres. En VTT ! Serge ne connaît pas l'itinéraire de retour, il connaît mieux le canal que les chemins environnants. L'éclusier nous dit qu'il faut passer par Cohons et Saint Geosmes. Je me rappelle être déjà passée par là en CC, ça grimpe dur. Mais comme toute chose se paie, cette balade en péniche aura un prix : celui de l'effort à fournir pour rentrer. 17 km dont au moins 14 de montées jusqu'au coeur de Langres où enfin on prend par une forte descente que je dévale à tombeau ouvert,  la direction de l'écluse n°1 croisée ce matin. Encore quelques tours de pédales et nous voici de retour au port de Langres trois heures et demie après avoir quitté nos amis. Exténués, trop fatigués pour rejoindre la péniche ce soir, on leur téléphone. Ce soir pas besoin de nous chanter "Le p'tit Qinquin".

La halte au port fluvial de Langres

Jour 3

Ce matin pas de VTT, notre objectif est de retrouver le bateau. Nous estimons sa position par rapport à celle de la veille et nous filons vers la Côte d'Or toute proche où il doit naviguer. Au téléphone Serge me dit : "je viens de passer l'écluse 32". Késako ? Pas d'écluse 32 sur mes cartes à moi, la terrienne. Il est du côté de Cussey. On longe le canal, parfois on le traverse mais il serpente aussi et la route n'est pas toujours parralèle. Mon mari a trouvé une bonne astuce, au bout d'un moment il me dit : " regardes, ils ne sont pas encore passés ici, l'eau n'est pas troublée", très juste constatation. On s'arrête donc à l'écluse suivante en signalant notre position au bateau et on attend en dévisant avec le locataire  de la maison éclusière.

Enfin l'Hendaye arrive. C'est que nous les terriens on a l'habitude que tout aille vite tandis qu'à 5 km/h en péniche, il en va tout autrement. On est contents de se revoir mais le temps de l'éclusage est court. On leur remet un panier de légumes de notre jardin et quelques bricoles pour les remercier de leur gentillesse et déjà c'est l'heure des au revoir mais pas des adieux, c'est promis.

Nous revenons sur nos pas jusqu'à Heuilley Cotton, pas question de tricher avec le tracé de notre chemin de halage.

Et dans l'après midi on enfourche à nouveau les vélos pour aller jusqu'à Piépape A/R.

D'ici on voit bien la forte déclivité qui existe entre chaque écluse.

Une écluse tous les 500 mètres.

Nous passons tout près de ce lac  mais le festival du Chien à Plumes vient de débuter et l'accès au lac est réservé aux festivaliers.

A Piépape une nouvelle péniche de travail mire son front dans les eaux du canal.

Je photographie des tags dans un silo à l'abandon...

des prunes qu'il est temps de récolter...

un petit bonhomme sympathique assis sur l'escalier d'une écluse...

le mimétisme des vaches et d'une éolienne dans un pré...

Un château enclos derrière ses murs et qui refuse de se laisser dévoiler.

Pas grand chose de passionnant sur son tronçon, bon il faut dire qu'aujourd'hui ne ressemble pas à hier. Allez demi tour, d'autant que le ciel se charge.

Retour vers Heuilley Cotton

Nous entrons dans l'église d'Heuilley juste quand éclate l'averse.

Mais ce n'est pas un prétexte, elle vaut bien un détour.

une petite pensée pour mon Nicolas

Il est à peu près 20h quand nous voyons passer sous nos fenêtres cette péniche qui sort du tunnel. Après elle, le tunnel sera fermé à la navigation pour la nuit.

Avant que la nuit tombe nous montons sur le pont qui surplombe le petit port. Un voisin, camping cariste  et retraité SNCF comme mon mari vient taper la causette, ce n'est pas le pont des soupirs ici mais le pont des souvenirs, je crois qu'on devrait le baptiser comme cela. Quoiqu'il en soit on peut dormir sur nos deux oreilles, on est sous bonne garde.

Voilà encore une étape de ce canal enchanteur qui s'achève. Depuis son commencement à Joinville l'an passé, il n'a cessé de nous surprendre. D'abord par la richesse du patrimoine que nous avons découvert et par la beauté d'une nature généreuse, de plus  cette année nous y avons fait de belles rencontres humaines : la petite éclusière, Luca le camping cariste italien et les mariniers de l'Hendaye. Avec ces trois là nous sommes en contact et comptons bien le rester. Alors oui vive le camping car et vive le canal enchanteur dont nous reprendrons le halage dès que possible vers Pontailler sur Saône.

Comments

[marievague]

Coucou Eve,



Eh bien en voilà une bien jolie balade et une très belle rencontre !!!! La vie est faite de petites surprises comme celle-ci et rien que pour ça, c'est magnifique !!!

14 km à vélo, je pense que j'aurai démissionner avant hahahaha. bise. marie

[zorbulgue]

Joli reportage. Je vous apporte une information: le pont de Rolampont n'est pas du tout romain. Il fut construit de 1769 à 1771 (les textes existent toujours dans les archives).

Cordialement.

[jacqueline]

je suis sous le charme de cette virée au bord du canal et très impressionnée par ce passage sous le tunnel , une vraie aventure ... merci beaucoup de nous faire partager cet instant magique.

à bientôt

[en route simone]

Voilà, je reprends très doucement le chemin des blogs. Avec ce beau temps, il est si difficile de se remettre devant un écran.

Voilà une bien jolie promenade, agrémenté par de jolies photos, dans un endroit que je ne connais pas. C'est une super expérience cette promenade en péniche et le passage d'écluses. C'est toujours un spectacle de voir l'eau descendre ou remonter. Je ne m'en lasse pas.



Belle soirée

[Agnesandco]

quelle belle aventure ! réaliser ses rêves a toujours un goût unique et tu as du le savourer pleinement. J'aime ces instants de vie tout simple : un vélo, un bout de bitume, un canal enchanteur et la vie est belle. merci du partage ! bises.