Sur les chemins de Compostelle 2012 (3/4)
Jour 9 - Lundi 16 juillet - Bruc/Bergerac, 40 km VTT
Nous avons passé la nuit sur le parking près de la chapelle de Bruc. Ce matin il fait très frais, départ avec les polaires sur le dos. Petit arrêt pour photographier la fontaine et la croix qui sont à proximité de la chapelle qui possède de beaux vitraux modernes.
Nos amis nous ont quitté mais nous sommes avec eux par la pensée, heureux d'avoir partagé ces quelques jours passés ensemble en toute convivialité, un souvenir précieux qui fait désormais partie de notre aventure compostellane.
Nous apercevons le château de Grignols qui nous nargue sur son éperon rocheux, il va falloir passer au pied. Commencer la journée en grimpant des côtes à froid, je n'aime pas !
Nous repassons par le centre de Grignols et entamons notre montée, à pied, vers le château qui fut pendant mille ans le fief des Talleyrand-Périgord.
Dix fois par jour je demande à Ludo s'il va bien. Il répond par l'afirmative et quand je lui dit : "tu n'es plus aussi bavard" il me répond : "je grandis".
On rate un jalon donc on poursuit par la route jusqu'à Jaure et son joli patrimoine local, église, château et fontaine dédiée à St Firmin.
Montées, descentes, chaleur, rien de nouveau sous le soleil quoi. On arrive à Villamblard où on apprécie de trouver un banc ( ils sont rares sur le chemin) sous un tilleul de la place de l'église. Pause grignotage.
C'est jour de marché sous la halle et ça met un peu d'animation dans le village.
On dévale la vallée du Roy dans un superbe paysage valloné rempli de champs de tournesols. Montagnac la Crempse est en vue. Nous pédalons dans un chemin herbeux. Petit arrêt pour faire une photo quand j'ai l'impression d'avoir des chaussures en plomb et un voile noir passe devant mes yeux. Vite s'alimenter pour faire passer le coup de fringale. Ca passe. Quelques tours de pédales, quelques montées à pied et au fond d'un vallon une croix de pierre blanche.
Un peu plus loin le bel ensemble périgourdin du château Leygonie s'offre à nos yeux et là, au-dessus des hortensias, une nouvelle plaque émaillée nous montre le chemin.
Ah voici un beau chemin
Le chemin, parlons-en, tantôt boueux, caillouteux, herbeux, avec une crête de verdure, large ou étroit, avec des creux, des culs-de-poule, des trous, des pierres, des ornières ; chemin blanc ou sablonneux, même castiné dit le guide (ça ressemble à des plaques de silex qui brillent et glissent bien, méfiance !) jamais le même et pourtant si souvent semblable. Surtout ne jamais dire "c'est un beau chemin" invariablement une galère est au bout ! Mais avant tout il ne faut pas le perdre de vue, il faut sans cesse le lire.
Dans celui-ci Ludo me dit :"on dirait que tu manges les fougères".
Encore une côte et voici St Julien de Crempse, joli village typique avec son clocher mur.
Quel plaisir de voir le camping car garé à l'ombre de cette petite place. Promesse d'un tee shirt sec et d'un bon repas qui ne s'éternisera pas, nous n'avons parcouru que 19 km sur les 40 prévus aujourd'hui.
En selle. Bientôt nous empruntons une piste DFCI (piste forestière de lutte contre l'incendie). Ludo adore, ça roule bien, ça sent bon le pin, on se croirait dans les Landes. C'est beau le vent qui joue dans les cimes. Et...mais non on ne se trompe pas, il y a des cigales. Je ne savais pas qu'il y avait des cigales en Dordogne.
Changement de décor voici que les premières vignes de Bergerac ont remplacé les pins.
Sur les hauteurs de Bergerac on aborde le parc de Pombonne, un peu de repos à l'ombre avant d'attaquer la dernière ligne droite de la journée nous requinque un peu. Le lac, lieu de villégiature des Bergeracois nous tend les bras. Quelle est tentante cette eau verte mais nous n'avons pas nos maillots de bain. Continuons. Le parc est immense, arboré et fleuri, longé par un ruisseau, la traversée est longue.
Bergerac
On est tout à coup plongés dans le frétillement d'une ville où ça circule, ça klaxonne. Quelle transition ! Nous devons être prudents. Voici l'église Notre-Dame éclatante de blancheur.
On poursuit à pied dans les rues piétonnes où l'on nous regarde, intrigués. Fatigué Ludo ? Moi aussi. Demain sera une journée de repos, voic neuf jours que nous pèlerinons, il est temps de "lever le pied", drôle d'expression pour parler de ne rien faire. Il nous faut encore rejoindre Adam qui nous attend au camping de l'autre côté de la Dordogne mais avant, faire tamponner les créanciales.
Devant nous se dresse la statue de Cyrano de Bergerac.
Ludo, tu connais Cyrano ? Non, il ne connaît pas et ne semble pas être intéressé, je n'insiste pas. Je demande dans une boutique où se trouve l' OT, on me répond près de l'église ND, à l'autre bout de la ville. Ah, non et non on n'y retourne pas, vous n'avez pas idée de ce qu'on a parcouru depuis ce matin vous ! J'aperçois l'enseigne de l'accueil du pèlerin, j'y vais, les jeunes gens à l'entrée n'ont pas de tampon mais me proposent d'aller sonner à la porte voisine, celle du curé. Il n'est pas là. En longeant les rues qui nous mènent au vieux pont on passe devant la mairie, c'est Ludo qui ira faire apposer le sceau de la ville, encore un banal tampon de mairie. Rude journée.
Le camping de la pelouse est établi sur les bords de la rivière, de pelouse il n'a que le nom, les pluies récentes l'ont transformé en boue qui fini de sécher. Une bonne douche, un goûter et quelque repos auront vite raison de notre fatigue. En principe nous ne resssortons jamais le soir, nous faisons une exception pour aller à la nuit tombée déguster une glace en ville.
Le soleil couchant fait au vieux pont un reflet parfait
L'embarras du choix
Jour 10 - Mardi 17 juillet - Journée de repos
Brie/Château Haut-Pezaud (Montbazillac) 4 km à pied
Ce matin pas de réveil, chacun va à son rythme. Des oies de Guinée ont élu domicile sur l'île qui fait face au camping, elles sont une trentaine.
A l'heure du petit déjeuner elles s'enhardissent à venir picorer près des tentes. Aussitôt Adam se transforme en meneur d'oies pour la plus grande joie de Ludo mais Adam qui a tendance à oublier que ce sont des animaux sauvages se fait pincer au sang.
Après être passés au laboratoire d'analyses suite à ma piqûre de tique, nous prenons la route d'Aquapark. Si Adam et moi profitons pleinement du repos à l'ombre d'un parasol, Ludo escalade sans relâche l'escalier du toboggan aquatique. Cent fois peut-être ?
Vers 17 heures j'exprime l'envie de marcher... Ludo est totalement "cuit" de fatigue et de soleil, il commence à ressembler à un homard... Et ne semble pas partager mon idée. Je veux marcher, qu'à cela ne tienne. Ils me déposent à Brie et me voilà partie seule à travers vignes vers le château de Montbazillac. Pas besoin de guide, il suffit d'avoir le château en ligne de mire. Je n'en veux pas à Ludo qui depuis le début de l'aventure en 2010 n'a jamais failli. J'aurai pourtant aimé faire cette portion avec lui.
La vigne ici est haute, il fait chaud et j'apprécie de pouvoir marcher à l'ombre de temps à autre.
Promesse d'une belle récolte
En me retournant j'aperçois Bergerac dans la brume de chaleur
Heureuse d'être en communion avec cette belle nature je poursuis ma progression
Qu'il est beau ce château
Je passe par la boutique, le tampon du château de Montbazillac vient s'ajouter aux autres sur ma créanciale, enfin un tampon original. J'achète deux bouteilles de vin (pour offrir) et je sors par le grand portail. Le sac à dos se fait lourd tout à coup.
L'église de Montabzillac se dresse sur le haut de la colline
Au carrefour il y a plétore de pancartes, je me repère, Adam et Ludo m'attendent au château Haut-Pezaud.
Fait soif, je serai bien tentée...
Mais où, un p'tit verre chez chacun ? Mieux vaut passer son chemin
Encore un petit effort et me voici arrivée au terme de ma journée.
En fin de soirée nous allons tous les trois faire un tour dans les vignes vers les ruines du moulin à vent.
Il fait doux mais pourtant l'atmosphère est à l'orage dans le camping car, et il éclate violement...
Pour moi l'aventure s'arrête là. Demain nous serons tous en vacances. Nous étions partis vers St Jacques d'accord sur certains principes . Si ce n'est plus le cas, stop ! Je n'ai d'obligations d'aucne sorte.
C'était une journée de repos
Jour 11 - Mercredi 18 juillet - Château Haut Pezaud/Bridoire 10 km VTT
Pas de réveil qui sonne, pas de sacs à préparer, pas d'itinéraire à relire. C'est Adam qui décide qu'on ira tous les trois faire une virée jusqu'au château de Bridoire. Je n'ai pas changé d'avis mais personne ne parle du chemin ce matin...
Le pigeonnier du château de Bridoire n'est autre qu' un grenier, il a été bien restauré
Le château de Bridoire après avoir traversé les siècles ne doit sa survie qu'à une poignée de bénévoles groupés en association jusqu'en 2011 où la famille Guyot se porte acquéreur du lieu. Epaulée par quelques deux cent bénévoles passionnés il ne leur faudra que onze mois pour ouvrir les portes du château au public en cet été 2012. L'histoire de ce château nous a été révélée par l'émission "des racines et des ailes", elle est pour le moins mouvementée. Voir ci-dessous :
http://www.associations-patrimoine.org/article.php?id=1690
En arrivant à Bridoire nous avons la chance de parler avec Mr Guyot le nouveau propriétaire du château. Nous retournons à Montbazillac chercher le camping car et revenons sur le parking avec l'intention de visiter le château en fin d'après-midi car il fait très chaud. Le mercure va monter jusqu'à 42° à l'ombre sous l'auvent du camping car ! On passera une partie de l'après-midi à jouer au scrabble en cherchant l'ombre et une fraîcheur toute relative.
pour voir mon diaporama, cliquez sur le lien ci-dessous
http://www.kizoa.fr/diaporama/d3127645kP125504495o2/bridoire
Ceci est juste un petit aperçu pour vous donner l'envie, si vous passez devant Bridoire, d'aller le découvrir par vous- même, il en vaut la peine.
Jour 13 - Jeudi 19 juillet - Bridoire/Cancon 42 km VTT
Après "l'orage", il y a eu des explications. Adam ne veut pas que l'aventure se termine ici et comme cela. "Tu n'as pas fait tout cela pour rien" me dit-il, reprenez la route. Et sans autres formes d'explications on remonte sur les vélos peut-être parce que c'est devenu naturel mais en tout cas, pas par obligation.
Le ciel est couvert, il fait moins chaud. Ca commence mal, dès le départ je prends la direction opposée au GR. Au bout de 3 km on arrive à reprendre la D15 qui est parralèle au GR puis la D288 à partir de Falqueyrat. Le ciel lâche un peu de bruine, on pédale en silence. Il n'y a pas grand chose à voir dans ce secteur si ce n'est de ci de là quelques petites chapelles entourées de leur antique cimetière où les tombeaux paraissent parfois plus imposants que l'édifice religieux lui-même. Ludo se prend à aimer découvrir les cimetières, c'est vrai qu'on peut y apprendre une partie de notre histoire mais ce n'est pas dans mes goûts personnels.
On est sur la bonne route, on approche de Castillonnès
Sans trop nous en rendre compte nous quittons le département de la Dordogne que nous avons traversé du haut en bas, pour entrer dans le Lot et Garonne où on a jamais mis les pieds jusqu'ici. Terra Incognita. Castillonnès est en vue. Gros travaux sur un rond point sur la RN21, poussière, bruit, gros engins de TP. On se replie, on longe une rue qui monte vers un virage de la RN21, un peu de portage pour passer les VTT par dessus la barrière de sécurité, on traverse à toute vitesse. Ouf nous voici en sécurité sous les remparts de la cité.
Castillonnès
C'est la première bastide que nous rencontrons, ce ne sera que le début d'une longue série et on apprendra vite qu'elles sont pratiquement toujours construites sur une hauteur.
Sous ce ciel gris, on se s'attardera pas à y faire du tourisme
Téléphone, c'est Adam, il est lui aussi dans la place, il fait des courses. On se retrouve tout en haut de la rue piétonne devant cette improbable boutique. Elle a bien cent ans ! Magasin de fringues à l'intérieur désuet, parquet, casiers et comptoirs de bois cirés, il ne doit plus y en avoir beaucoup comme celui-ci en France.
Et pourtant on y vend des articles tendance et on y fait des promos mais sur des étiquettes d'un autre âge.
Il est encore trop tôt pour déjeuner, on repart, rendez-vous à Lougratte. On a retrouvé le GR, on le suit. Le paysage a changé d'un coup. Fini les tournesols, ils font place à des vergers de noisetiers et de pruniers, tous bien rangés, bien peignés, une fois dans un sens, une fois dans l'autre dessinant un damier parfait d'où aucune branche ne dépasse. Toute photo tourne au faux jour sous ce ciel gris, nous faisons donc peu de pauses.
Près d'une maison isolée ce ne sont pas des aboiements de chiens qui nous accueillent mais des cirs de dindons, Dieu qu'ils sont laids ces volatiles, effrontés et agressifs.
Quelques mètres plus loin la belle pancarte d'un gîte efface la vision des dindons.
Brusquement Ludo s'arrête et se retourne un doigt sur la bouche. Je vois, pas très loin devant lui, une biche et sa chevrette qui broutent sur le bord du sentier. Je sors l'appareil photo. Quel enchaînement bizarre tout à coup, après avoir fait des km sans rien voir voici une trilogie (dindons, pancarte, biches) qui ne cessera de m'intriguer.
J'ai zoomé au maximum, ça pixellise un peu. Mais quel bonheur de pouvoir profiter de ce spectacle.
Allez encore un petit effort, une belle descente et nous voici devant l'église de Lougratte elle est énorme.
Je ne sais pas pourquoi l'appareil photo est passé en mode noir/blanc ?
Adam nous attend à la base nautique au bord du lac. Miam miam et plage, il semble bien que l'expression "ne rien faire" ne soit pas dans notre vocabulaire puisqu'avant de repartir Ludo et moi ferons le tour du lac en kayak, encore un sport que j'aime bien.
Il nous reste une petite dizaine de km avant d'arriver à Cancon. Raffraîchis et de bonne humeur nous repartons. Ca roule bien au milieu des vergers.
Un raidillon ardu et nous voici devant l'église de Millac, à clocher mur, un de plus. Une halte à l'ombre est la bienvenue car malgré le ciel couvert il fait lourd.
Un virage à droite et un chemin qui descend le long d'un champ de maïs qui a été amplement arrosé, pas que le maïs, le chemin aussi. Un piège auquel on ne s'attendait pas. Une boue collante s'aglutine sur les pneus, bloque les freins et nous voilà complètement scotchés dans le bas du vallon. Nos VTT paralysés de la roue arrière et de la roue avant refusent de bouger. Nos pieds aussi sont englués. On se regarde, bon va falloir réagir, on ne va pas passer Noël ici ! Chacun pousse ou s'oulève sa monture comme il peut sur le bas côté, trouve un morceau de bois et commence à décrotter et gratter ses pneus.
Au bas mot ça nous prend vingt minutes. Ca ronchonne, si l'agriculteur était dans le coin on lui dirait deux ou trois mots et quelques noms d'oiseaux !
Ensuite on frotte les roues sur l'herbe, en avant, en arrière, on gratouille encore et encore. Bon ça va mieux. On repart en poussant les vélos sur le côté, cette dernière côte avant Cancon, on se la fait à pied. En prenant de l'altitude on voit une réserve d'eau située à quelques mètres du fond du vallon, si on avait su on y aurait traîné nos VTT pour les laver. Grrr...
Un paysage sublime fait de vergers s'étend sous nos yeux, on ne l'apprécie pas, blasés, fatigués ? Et il fait toujours gris. Enfin Cancon est à l'horizon, d'ici le village nous paraît gris aussi. Il est 19 heures quand nous rejoignons Adam. On vient encore de faire une sacré journée.
fin de la partie 3/4